Entre propositions dans l’espace public et en salles, itinérance le long de la Garonne, et irrigation des territoires métropolitains, le FAB se déploie deux semaines durant pour fêter sa première décennie.
Qui l’eût cru ? Le Festival international des arts de Bordeaux Métropole — FAB pour les intimes — s’apprête à souffler les bougies de son 10e anniversaire ! Heureux survivant de la pandémie de sinistre mémoire et des changements d’étiquettes politiques des deux municipalités — Bordeaux et Saint-Médard-en-Jalles — qui le portent depuis les origines. Malgré l’adversité et les persiflages, l’événement enregistrait 100 000 spectateurs en 2024.
Deux semaines et trois axes
Fera-t-il mieux cette année ? S’il est hasardeux de lire dans les feuilles de thé, ce qui est certain : le FAB ne change pas de cap. Une manifestation à l’écoute du monde (Espagne, Brésil, Liban, Palestine), 3 weekends hyper festifs en lieu et place d’un QG, deux semaines transdisciplinaires roboratives, et 3 axes : Suivre le fleuve et ses affluents, Habiter la ville, et, le petit dernier, S’enforester. Preuve supplémentaire d’une attention particulière, mise en avant de longue date, aux enjeux climatiques et environnementaux.
Une espèce de gendre idéal ? Pour Brigitte Bloch, vice-présidente de Bordeaux Métropole, « non seulement le FAB coche toutes les cases, mais permet également d’aborder intelligemment des thématiques sociétales contemporaines ». Seul regret, « ne pouvoir faire plus, mais s’efforcer de maintenir le soutien nonobstant un contexte économique plus que délicat ».
Ouverture alsacienne et clôture incandescente
Et le menu automnal, quel goût a-t-il ? On pourrait supputer, en regardant l’affiche 2025, une récolte de fruits, poussés sur l’imposant arbre à bougies plongeant ses racines dans les courbes du Port de la lune… De l’ouverture alsacienne endiablée Fescht Met avec Ussé Inné, du côté de la Fabrique POLA, à la clôture signée Pierre de Mecquenem (Cie La Machine) pour un Embrasement de la Caserne des pompiers (quartier de la Benauge), le menu déroule : 11 créations ou recréations, 4 premières françaises, 27 talents et 29 spectacles et expositions.
Ces dernières, au nombre de 3, invitent le regard rétrospectif de Pierre Planchenault sur les grilles du Jardin public de Bordeaux, les visions aquatiques de Nicolas Floc’h, à la Fabrique POLA, avec « La couleur de l’eau—Garonne océan », et « Les 111 2024—De la pointe de Grave au Cap-Ferret » de Delphine Trentacosta qui s’empare des allées de Tourny, à Bordeaux.
3 cartes blanches
Singularité de cette édition anniversaire : 3 cartes blanches. Outre celle déjà évoquée de Nicolas Floc’h, le collectif circassien XY, aperçu lors de la cérémonie d’ouverture des J.O de Paris 2024, qui avec pas moins de 4 interventions — Les voyages, Les grands rendez-vous, La traversée des savoirs, Les Impromptus XY — va jouer entre intime et spectaculaire selon la forme avec notamment la complicité d’une chorale tout en effectuant une traversée du campus bordelais, et, enfin, la compagnie Kamchàtka, fondée en 2006 à Barcelone, proposant elle aussi 4 spectacles in situ : Kamchàtka, Inesperat, Crescendo et l’intrigant Alter, escapade nocturne dans la forêt du Bourdieu, à Saint-Médard-en-Jalles. Adeptes d’un théâtre gestuel et visuel, ces personnages en fuite vers un ailleurs n’ont pour bagages que leurs souvenirs…
Nouveau mot d’ordre, s’enforester se décline à l’envi. Nids de Jean-Michel Caillbotte (passé jadis par Royal de Luxe), entre arts visuels et sonores, exploration des migrations animales et humaines. Pelat de Joan Català, de retour avec un mât de cocagne questionnant le risque et la responsabilité. Woods/Bosque de la brésilienne Clarice Lima, performance participative sur la figure du poirier, audacieuse analogie avec la déforestation. Croire aux fauves, création 2025 des Arts Oseurs, déambulation vespérale pour 100 personnes deux heures durant, adaptant le récit tragique de l’anthropologue Nastassja Martin. Ou encore Rozéo de la Cie Gratte Ciel, ballet aérien pas si statique…
Venus d’ailleurs
Dans FAB, il y a international, alors, reprenons un peu de crème catalane avec Lo Faunal de Pol Jimènez, relecture attendue du mythe entre hommage à Nijinski et héritage des danses traditionnelles. Plus levatain, les Chaussons aux tomates (Fatayer bi banadoura) de la libanaise Hiba Najem, spectacle hautement culinaire dédié à un rituel féminin qui répare les chagrins d’amour. Enfin, grosse impatience avec les premières françaises de Gathering de la chorégraphe americano-palestinienne Samar Haddad King, qui a choisi de travailler sur la version de Vivaldi : The Four Seasons de Max Richter, et une musique originale (interprétée en direct sur scène) et de ses propres textes. Le temps d’une soirée, l’histoire fictive d’un village assiégé et la lutte d’une femme pour réconcilier ses souvenirs fragmentés. Gathering tournera par la suite dans toute la Nouvelle-Aquitaine. On a hâte.
Marc A. Bertin
Informations pratiques
Festival international des arts de Bordeaux Métropole,
Du vendredi 26 septembre au samedi 11 octobre,
Bordeaux Métropole (33).