Libourne retrouve l’effervescence estivale de Fest’arts, son festival international des arts de la rue, dans une édition foisonnante de propositions tous formats et en quête des corps — de tous les corps — dans l’espace public. Rencontre avec Tiphaine Giry, à la barre de Fest’arts (et du Liburnia) depuis 2016.

Après deux années difficiles, Fest’arts 2022 marquait le retour à la normale. Quels enseignements en avez-vous tirés pour construire l’édition 2023 ?

Tiphaine Giry : Cette édition nous a servi à vérifier qu’on avait toujours l’adhésion de tous nos complices, bénévoles et hébergeurs car Fest’arts, c’est une programmation artistique, mais c’est surtout le travail avec toute une ville !

Nous avons battu des records de demande de bénévolat alors que pour d’autres festivals, la reprise était plus difficile. Voir que le lien s’était intensifié nous a rassérénés. Une autre bonne surprise a été la forte présence de professionnels, qui avaient été privés de rendez-vous forts pendant deux ans. Et puis, bien sûr, le public a été là, malgré la chaleur. Les jauges ont été très importantes, parfois même à la limite du raisonnable pour une bonne écoute des spectacles.

Justement, après ces années Covid, certains festivals de rue, comme Coup de chauffe ou Mimos ont souhaité ralentir, imaginer d’autres modes que le foisonnement. L’édition 2023 de Fest’arts est bien pleine avec 240 représentations en 3 jours. Quelle est votre réflexion sur cette question ?

T.G. : Nous, le foisonnement, on y tient très fort ! À Fest’arts, la moitié des gens viennent du territoire, on s’adresse d’abord au territoire sur lequel on est implanté. Nous sommes toujours dans la même dynamique de permettre au public de côtoyer la vitalité des arts de la rue d’aujourd’hui, de voir plein de spectacles aux formes différentes, aux modes de relation variés, aux jauges petites ou grandes.

À chacun de faire son programme ensuite. Ce qui a changé, ce serait plutôt la temporalité : on programme le matin, puis en fin de journée et soirée. Il y a une pause « digestion » entre 12h et 16h. On a d’ailleurs développé cette année, et c’est nouveau, le principe d’une sieste musicale à 14h. À terme, je voudrais explorer la question du lit dans l’espace public.

La question des horaires et la nécessité de nouveaux lieux sont-elles liées au réchauffement ?

T.G. : Oui, le festival s’installe au sein de la bastide, qui devient piétonnière. Mais on y manque de lieux ombragés. La sieste, par exemple, se fera à l’ombre d’un arbre. Cette année, le public découvrira aussi le Bassin des Tonneliers, qui n’est pas un lieu public, et qui accueillera une forme à la jauge réduite. On est toujours à la recherche d’écrins pour des propositions qui nécessitent des écoutes particulières.

Parmi les 43 compagnies invitées à Fest’arts, avez-vous envie de donner un coup de projecteur sur des artistes ?

T.G. : J’aimerais parler de cette nouveauté que sont les Labos. Chaque année, le Liburnia accueille des projets en résidence, sans qu’ils soient forcément rendus publics. Cette année, nous avons eu envie que le public voie des créations en cours, montrer qu’un spectacle ce sont des mois de travail. Camille Fauchier, de la compagnie Née d’un doute, qui est libournaise, travaille pendant deux ans sur la notion de porté, sans qu’un spectacle soit en vue.

Elle rencontre des Libournais pour alimenter sa réflexion. Elle présentera aussi une performance rue Fabre, où une de ses complices remontera la rue sans toucher le sol. Le chorégraphe Hamid Ben Mahi travaille avec l’architecte Christophe Hutin au projet au long cours, i-3, sur la notion d’habiter. Il présentera une sortie de résidence, mais aussi des performances. Et ussé inné, compagnie de danse qu’on adore, viendra présenter, en plus de sa Boum !, sa nouvelle création Le Grand Oui, qui explore la prise de parole dans l’espace public, et plus seulement le corps.

Le corps, les corps, est un terme que vous utilisez dans votre édito de cette 32e édition. Est-ce un fil rouge de la programmation ?

T.G. : Je me suis toujours refusée à penser une thématique pour chaque édition, cela me rebute un peu, j’aurais l’impression de forcer les gens à rentrer dans un cadre. Cependant, la question de la place du corps dans la programmation 2023, c’est un constat que je fais à rebours. Peut-être est-ce une réaction post-covid : affirmer cette place du corps dans un espace commun, éclairer les notions de partage, de relation ?

« Je me suis toujours refusée à penser une thématique pour chaque édition. »

Tiphaine Giry

Deux spectacles explorent particulièrement la place des corps différents. Marie-Do Fréval, une habituée de Fest’arts, évoque dans J’ai un vieux dans mon sac, si tu veux je te le prête la vieillesse, les corps cassés, de moins en moins présents dans l’espace public. C’est un texte très fort. Et la compagnie Adhok, très connue dans les arts de la rue, qui n’était encore jamais venue à Libourne, aborde la question de leur couple dans Qui-vive. Comment vieillir ensemble, comment évolue la relation, c’est un thème peu abordé dans les arts de la rue.

Impossible de tout citer bien sûr de notre programmation, mais il y aura aussi pour la première fois de jeunes compagnies de cirque locales dans le cadre de Tremplin Cirque, toujours notre ligne street art avec l’artiste MifaMosa et le 5e épisode de Panique olympique, danse participative qui finira aux JO à Paris, de la compagnie Volubilis qu’on adore !

Propos recueillis par Stéphanie Pichon

Informations pratiques

Fest’arts,
du jeudi 3 au samedi 5 août,
Libourne (33).

EXERGUE

« Je me suis toujours refusée à penser une thématique pour chaque édition. »

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