Compositeur contemporain célébré à l’échelle internationale, le Girondin Christian Lauba présente une double carte blanche pour la saison Cathedra, à Bordeaux. Notamment une création, 7th Avenue, inspirée du jazz sans en être vraiment.

Nul n’est prophète en son pays ? Ben si. Joué aux États-Unis (Carnegie Hall, Julliard School), aux Pays-Bas (Concertgebouw d’Amsterdam), en Allemagne ou au Japon, le compositeur girondin Christian Lauba bénéficie aussi d’une reconnaissance locale.

À l’Opéra de Bordeaux, il a été directeur musical (2004-2006) et artiste résident. Il a composé les pièces symphoniques Hoggar (1995) ou Bogor (2016), le ballet Zatoïchi (chorégraphie de Carlotta Ikeda, 2007), l’opéra La Lettre des sables (2014), et une autre de ses œuvres devrait être jouée la saison prochaine par l’ONBA.

« Ce sont les musiciens qui ont fait ma carrière en demandant à jouer mes compositions, pas les programmateurs ou les journalistes qui sont dans une actualité plus immédiate. » Son actualité à lui renvoie au 10 avril et au 31 mai, où la saison Cathedra lui accorde une double carte blanche, avec notamment une création, 7th Avenue par la pianiste Marie-Josèphe Jude. Il en parle.

C’est la deuxième année que Cathedra vous donne carte blanche. Comment cette collaboration est-elle née ?

Elle est plus ancienne que ça, puisque le festival Les Nouvelles Saisons, que j’organise en juillet depuis six ans, est lui aussi intégré dans la saison Cathedra. Alexis Duffaure, le directeur artistique, se sentait compétent pour programmer de la musique vocale, moins pour de la musique de chambre. Lui et Jean-Denis Portelli, le président de l’association, ont fait appel à moi, et ils ont vu que ça marchait. Le 31 mai, nous ferons venir le quatuor Diotima à l’église Notre-Dame.

C’est l’un des quatuors à cordes les plus demandés au monde, et il a un ancrage local par l’intermédiaire d’Alexis Descharmes, qui vit à Bordeaux et a été violoncelle solo de l’ONBA. On l’entendra dans un programme Berg-Beethoven, qui rappellera qu’on ne peut avoir de l’imagination que si on connaît ses racines. Pour le concert du 10 avril, à la cathédrale Saint-André, comme je dois beaucoup à Bordeaux, je suis parti de la même envie d’un équilibre entre des musiciens d’ici et d’ailleurs.

Richard Rimbert est clarinette solo de l’ONBA et a beaucoup défendu mon travail, notamment en créant ma pièce Rituels. Je l’associe à Marie-Josèphe Jude et à la soprano Cécile Pierrot dans Le Pâtre sur le rocher, un lied de Schubert écrit pour cette formation clarinette-voix-piano, assez atypique.

Quel aspect de votre travail entendra-t-on dans 7th Avenue ? Le compositeur polytonal, post-debussyste, ou celui qui a produit une musique plus légère sous le pseudonyme de Jean Matitia ?

7th Avenue est bien une pièce « Lauba », sérieuse, rendant hommage aux standards de jazz américains, à l’harmonie extrêmement sophistiquée. Elle amplifie certaines caractéristiques de ce style, à la fois séduisant et complexe.

Je m’en inspire sans en faire un simple pastiche, un peu comme Ravel dans sa sonate pour violon, dont le mouvement lent est un blues, ou même comme les suites pour violoncelle de Bach, qui amplifient également les danses populaires comme la sarabande ou la gigue sans les imiter vraiment. Ce n’est pas une pièce abstraite, spectrale. Elle s’inspire d’éléments culturels et ethniques concrets.

Qu’appréciez-vous chez Marie-Josèphe Jude, qui l’interprétera ?

Son sens du style et de la diction. Elle considère que la partition est plus importante que l’interprète. Elle ne se donne pas en spectacle. Elle ne rajoute pas de minauderies. Elle dit le texte sans le trahir. Elle a l’élégance de la sobriété, comme Rubinstein.

À Paris, où elle est aussi professeure au CNSM, tout le monde veut travailler avec elle. C’est une grande pédagogue, une espèce de nouvelle Nadia Boulanger. Et elle est très contente de venir à Bordeaux, notamment pour voir son frère, Charles Jude, l’ex-directeur de la danse à l’Opéra.

Wikipedia définit votre musique comme « new age ». Cette étiquette vous convient-elle ?

(sourires) Non, ma musique n’est pas new age ! C’est un malentendu de mes bienfaiteurs de Wikipedia.

Propos recueillis par Christophe Loubès

Informations pratiques

Carte blanche à Christian Lauba – Quatuor Diotima, Cécile Pierrot, soprano, Richard Rimbert, clarinette, Marie-Josèphe Jude, piano,
mercredi 10 avril, 20h30,
cathédrale Saint-André, Bordeaux (33).

Carte blanche à Christian Lauba – Quatuor Diotima, Yun-Peng Zhao, violon, Léo Marillier, violon, Franck Chevalier, alto, Alexis Descharmes, violoncelle,
vendredi 31 mai, 20h30,
église Notre-Dame, Bordeaux (33).

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