Un été placé sous le signe du cinéma en plein air, c’est à Bordeaux grâce à la nouvelle collaboration entre l’IBOAT et le cinéma Utopia.
Après une première édition fructueuse, en 2023, les Three Stooges du nitrate d’argent remettent le couvert sur l’esplanade du Pertuis, au Bassin à flot n°1 à l’IBOAT. Les modalités ne changent pas : ouverture des portes à 18h, début des hostilités à 20h, projection à 22h. Sans oublier transats, plaids, buvette et restauration ; avec ou sans pop-corn. Petite revue de détail.
Le plus sombre : Réalité (2014), Quentin Dupieux, mercredi 10/07, 20h.
Il y a dix ans, Quentin Dupieux se faisait un nom au pays de la Liberté. Ainsi, après Rubber, Wrong et Wrong Cops, le cinéaste disait adieu à sa terre d’asile avec un film faussement drôle mais réellement inquiétant, certainement le plus noir de sa filmographie.
Distribution en état de grâce, portée par Alain Chabat — tenant enfin le plus beau rôle de sa carrière —, utilisation idoine du Music with Changing Parts de Philip Glass, mise en abyme vertigineuse, un labyrinthe mental façon Barton Fink, le glamour des années 1930 en moins au profit d’une quête aussi glaçante qu’absurde.
Le plus fou : Sorcerer (1977), William Friedkin, mercredi 24/07, 20h.
Inutile de présenter William Friedkin, génie disparu le 7 août 2023, tout le monde a déjà vu dans sa vie au moins un de ses chefs-d’œuvre (French Connection, L’Exorciste, Cruising, To Live and Die in L.A, Bug ou Killer Joe). En 1977, ivre de sa toute-puissance, le wonderboy du Nouvel Hollywood livre une relecture plus que personnelle du poisseux et nihiliste Salaire de la peur de Georges Clouzot.
Film délirant, où se distingue un quartet baroque à souhait (Roy Scheider, Bruno Cremer, Francisco Raball et Amidou) échoué dans un pays d’Amérique du Sud suintant la corruption, Sorcerer est un geste politique (é)perdu dans une jungle forcément hostile, entre convoi de la mort, score de Tangerine Dream et fatum.
Le plus K. Dick : Mars Express (2023), Jérémie Périn, mercredi 31/07, 20h.
La très bonne surprise 2023 du cinéma d’animation français, co-écrite par Jérémie Périn et Laurent Sarfati, évoquant pêle-mêle 2001, Odyssée de l’espace, Robocop, Terminator mais aussi Les Maîtres du temps et l’inégalable Ghost in The Shell. Variation sur le roman noir, revue et corrigé en 2200 sur la planète rouge, comme une fusion de Blade Runner et de Total Recall, Mars Express suit une détective et son androïde de partenaire dans une tortueuse enquête sur fonds de hacking, d’IA, de robotique, de trafics et d’émancipation… Asimov n’est pas loin.
Le plus émouvant : Billie (2020), James Erskine, mercredi 7/08, 20h.
À la fin des années 1960, la journaliste nord-américaine Linda Lipnack Kuehl entreprend de rédiger une biographie de la légendaire Billie Holiday disparu en 1959, à l’âge de 44 ans. Elle recueille 200 heures de témoignages incroyables : Charles Mingus, Tony Bennett, Sylvia Syms, Count Basie, ses amants, ses avocats, ses proxénètes et même les agents du FBI qui l’ont arrêtée…
Menacée pendant ses recherches, la journaliste ne finira jamais ses investigations. En 1978, son corps inerte est retrouvé dans une rue de Washington et le livre ne sera jamais publié. Le réalisateur britannique a puisé les bandes sonores retrouvées auprès d’un collectionneur du New Jersey, ces interviews inédites et restaurées constituant la matière première de ce chant d’amour
Le plus monstrueux : The Host (2006), Bong Joon-Ho, mercredi 14/08, 20h.
Avant l’ultime sacre cannois avec Parasite, Palme d’Or 2019, Bong Joon-Ho avait mis les cinéphiles du monde entier à genoux sur la foi de Memories of Murder, quintessence du polar vertigineux que seul David Fincher égala avec Zodiac. Pour son troisième long-métrage, le réalisateur coréen, dont on attend fermement Mickey 17 avec Robert Pattinson, s’emparait du film de monstre « « à la Godzilla. Résultat, une série B luxueuse, politiquement incorrecte, angoissante, sans concession, où s’illustre une fois encore l’immense Song Kang-ho.
Le plus sentimental : Happy Together (1997), Wong Kar-Wai, mercredi 21/08, 20h.
Révélé par As Tears Go By (1988), policier nerveux et violent, encensé par le merveilleux Nos années sauvages (1990), Wong Kar-Wai explose définitivement en Europe avec Chunking Express (1994). Une route sans encombre jusqu’au triomphe mondial de In The Mood for Love (2000), son plus grand succès et porte ouverte vers le déclin… Pourtant, s’il ne fallait qu’en retenir qu’un seul alors, ce serait sans sourciller Happy Together, mélodrame homosexuel entre Hong Kong et Argentine, avec Leslie Cheung et Tony Leung au-delà de la grâce. Vous n’écouterez plus Cucurrucucú paloma de la même oreille…
Le plus antifasciste : Porco Rosso (1992), Hayao Miyazaki, mercredi 29/08, 20h.
« Ce film conte une histoire du porc vaillant surnommé “le Porc rouge”, qui se bat contre les pirates de ciel, pour son honneur, pour sa Madone d’adoration et pour ses biens. La scène se passe en les Mers Méditerranées à l’époque où l’hydravion gouverne les eaux de mer. » Meilleur résumé ? Impossible. Le sixième long-métrage d’animation du sensei Miyazaki, et le premier correctement distribué en France, demeure un condensé de beauté et de mélancolie, où l’on entend le plus beau chant de la Commune : Le Temps des cerises.
Le plus coming-of-age : Aftersun (2022), Charlotte Wells, mercredi 4/09, 20h.
Dans une station balnéaire, Sophie, 11 ans, profite de ce rare moment passé en compagnie de Calum, son père aimant et idéaliste. Vingt ans plus tard, le souvenir attendri de leurs dernières vacances ensemble devient le portrait aussi puissant que déchirant de leur relation. Elle repense aussi à ce qui planait au-dessus de ces instants si précieux : la sourde et invisible menace d’un bonheur finissant. Et qui était réellement cet homme qu’elle a le sentiment de ne pas connaître ? Un premier long métrage languide auréolé de prix.
Blonde Vénus Cinéma en plein air, le programme complet
Réalité (2014), Quentin Dupieux, mercredi 10/07, 20h.
Sorcerer (1977), William Friedkin, mercredi 24/07, 20h.
Mars Express (2023), Jérémie Périn, mercredi 31/07, 20h.
Billie (2020), James Erskine, mercredi 7/08, 20h.
The Host (2006), Bong Joon-Ho, mercredi 14/08, 20h.
Happy Together (1997), Wong Kar-Wai, mercredi 21/08, 20h.
Porco Rosso (1992), Hayao Miyazaki, mercredi 29/08, 20h.
Aftersun (2022), Charlotte Wells, mercredi 4/09, 20h.