L’événement est discret, à l’image de l’appellation rurale un tantinet surannée. La Flamme de l’Armagnac, moment sensément fort de la saison, correspondant à la remise en chauffe des alambics, est en réalité (mais faut-il s’en plaindre ?) un moment d’immersion totale dans une France rurale ; prétexte pour une initiation à la mixologie faite pour sortir l’AOP de sa torpeur.

Tous les automnes, la Flamme de l’Armagnac sillonne les trois terroirs de l’armagnac – Bas-Armagnac, Ténarèze et Haut-Armagnac – de Villeneuve-de-Marsan, dans les Landes, à Lectoure, dans le Gers, en passant par Mézin, dans le Lot-et-Garonne. Si l’AOP Armagnac s’étend sur trois départements, son épicentre reste Éauze. 

Au sud-est de Nérac, le village de Mézin, lieu de naissance d’Armand Fallières (…), et son musée du bouchon accueillent la Flamme par un matin de gelées blanches et craquantes sous les godillots. Une incursion joyeuse dans l’Albret rural, dans l’Armagnac du 47.

Au pied de l’église Saint-Jean-Baptiste, un marché de Noël, un attroupement de randonneurs et une calèche à marmots tirée par des chevaux de trait écumants et, dans un coin, le stand du Bureau National Interprofessionnel d’Armagnac, nanti d’un jeune homme préposé à la dégustation d’un apéritif à base de la locale eau-de-vie. Histoire, nous raconte-t-on, d’attraper par la manche les consommateurs qui ne voient dans la vieille boisson qu’un élixir de grand-père à béret.

Araignée et shaker

Après Cognac, Sauternes, voici donc un nouveau prétendant à la mixologie. On allait ici s’appuyer sur la Blanche d’Armagnac1, eau-de-vie issue de la distillation d’un blanc sec de Gascogne qui n’a pas connu d’élevage sous bois. Cette eau-de-vie tout à fait cristalline constituera une base fruitée et florale, de 45°, idéale pour élaborer quelques fringants cocktails. 

COCKTAIL TIME

La Blanche Passion

4cl de Blanche, 3cl de jus de maracuja, 2cl de jus de mangue, 2cl de jus de citron vert et 1,5cl de sirop de vanille.
Mélanger tous les ingrédients dans un shaker, remplir de glace le shaker puis remuer pendant 15 secondes, filtrer et verser dans un verre avec quelques glaçons.

La Blanche Margarita 

4cl de Blanche, 2cl de triple sec, 2cl de jus de citron vert fraîchement pressé, sel, poivre et piment d’Espelette.
Remplissez généreusement le shaker de glaçons, ajoutez-y la blanche, le triple sec et le jus de citron. Secouez vigoureusement.
Humidifiez le rebord du verre avec un quartier de citron, puis trempez-le dans un mélange de sel, de poivre et de piment d’Espelette.
Filtrez et servez le tout avec des glaçons.

Sous le soleil d’hiver, équipés d’un godet mesureur, d’une araignée, d’un shaker et de verres adéquats, nous nous adonnions à ce mince plaisir de la mixologie de campagne, pratiquions ce qui nous semblait être un hara-kiri de produit ancestral, avant de nous raviser et de trouver que le breuvage était à la hauteur d’un joli cocktail de bar… parisien.

La plus vieille eau-de-vie de France

En automne, à qui sait y prêter attention, vous observerez quelques alambics ambulants sillonnant les campagnes gasconnes de chais en fermes, de fermes en chais. L’occasion d’agapes et de réunions festives et, nous dit-on aussi, d’un temps de recueillement devant le bouillonnement et la distillation ronronnante d’une eau claire de plus de 50°.

Le produit brut doit être distillé avant le 31 mars et impérativement élevé en fût de chêne avant d’être assemblé à d’autres eaux-de-vie. On pense que la distillation aurait débuté au XIIe siècle, ce qui en fait assurément la plus vieille eau-de-vie de France, voire d’Europe2.

À la différence de Cognac, faut-il le rappeler, on parle ici de la simple distillation (vs. la double distillation) d’un vin blanc sec chauffé dans un alambic armagnacais, sans autres apports, et vieilli dans un fût de chêne. À l’instar d’un whisky ou d’un cognac, et aux yeux de l’Anglo-Saxon, l’armagnac est un brandy.

French plaisir

La production d’armagnac, confidentielle et bien souvent artisanale, est puissamment liée à son territoire dans lequel vignes, maïs et blés font souvent bon ménage. Elle constitue avec le canard et le foie gras un véritable emblème régional, à l’origine du French paradox.

En parcourant la partie lot-et-garonnaise de l’AOC, après un détour par la Cave de Mézin, on croisera quelques canetons à la Ferme Gagnet, s’arrêtera à Nérac, ville d’Henri III de Navarre, qui inspira, dit-on, Shakespeare et Dumas. On pourra grimper jusqu’au Château Pierron, sur les hauteurs de la ville royale. Ici on produit du floc de Gascogne, de l’armagnac Ténarèze — dont un VSOP aux merveilleuses senteurs de pain d’épices — et du buzet. On se sustentera pour finir au Moulin des Saveurs ou à l’Escadron volant, jamais très loin de la Baïse scintillante.

Henry Clemens

  1. Appellation d’origine contrôlée depuis 2005 (contre 1936 pour l’AOC Armagnac).
  2. En 2010, le BNIA a organisé l’anniversaire des  700 ans du traité de Vital du Four, pris comme acte fondateur de l’eau-de-vie en Armagnac.

Les bonnes adresses

  • Bureau National Interprofessionnel de l’Armagnac — Maison du Vignoble Gascogne Armagnac
    Lieu-dit Estère, 1330, route de Manciet, 32800 Éauze
    05 62 08 11 00
  • La Ferme de Gagnet
    Gagnet, 47170 Mézin
    05 53 65 73 76
  • Château Pierron
    Route de Mézin, 47600 Nérac
    05 53 65 05 52
  • Le Moulin des Saveurs
    4, rue du Moulin-des-Tours, 47600 Nérac
    05 53 97 06 60
  • L’Escadron volant,
    7, rue Henri-IV, 47600 Nérac
    05 53 97 19 04

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