Du 5 avril au 25 mai, Niort célèbre les 30 ans des rencontres de la jeune photographie internationale. Une manifestation dédiée aux talents émergents de la photo. Dernière édition dénuée de nostalgie pour son directeur artistique Patrick Delat.

30 ans de Rencontres de la jeune photographie internationale, ça fait quoi ?

On se dit que le temps passe. 30 ans ? Plutôt 10 ans en ressenti ! J’ai l’impression d’avoir voyagé mais de manière immobile, restant ici à Niort. Nous avons accueilli plus de 200 artistes, qui nous ont fait partager leurs univers, leurs cultures, leurs propos.

Très concrètement, le chiffre 2024 a déclenché cette édition spéciale puisque c’est en février 1994 que nous avons créé l’association. Il était donc temps de célébrer.

Les RJPI sont-elles désormais suffisamment identifiées et reconnues par le public, la profession et les instances culturelles ?

Elles sont très bien identifiées par le milieu professionnel. La Villa Pérochon et l’association sont, elles, reconnues par les institutions — la Ville de Niort, la Région Nouvelle-Aquitaine et l’État. Toutefois, nous mériterions une plus grande reconnaissance tant le combat dans une ville de province pour monter une telle manifestation est quotidien, même si notre événement revêt une envergure nationale si ce n’est internationale.

Nous souffrons d’isolement. Toutefois, le plus important, comme je l’ai dit, c’est la reconnaissance chez les photographes et tous les acteurs de cette filière. Ce travail de fond est compris par les photographes émergents. Les arts visuels ont besoin d’une plus grande reconnaissance des institutions, notamment dans le volet financier.

Dans un monde submergé d’images, l’éducation à l’image constitue un enjeu fondamental. Il faut des moyens accrus. La photographie est une discipline aussi fondamentale que la musique, qui, elle, est mieux dotée.

Les enjeux environnementaux occupent une place prépondérante dans les propositions de l’édition 2024, mais également la notion de mémoire. Ces tendances se sont-elles développées naturellement ?

Chose inédite, cette année, nous avons développé une thématique « 30 ans après ». On peut y déceler une double lecture : quel avenir pour la photographie et quel avenir pour le monde dans 30 ans ? Nous avons reçu plus de 150 dossiers, et parmi les 8 retenus, on constate que les trentenaires s’interrogent non seulement sur l’aspect écologique mais également sur la question de la mémoire, proposant des fictions sur l’avenir plutôt qu’un regard sur le passé.

L’avenir en question, qu’est-ce ? L’utilisation de l’intelligence artificielle et du numérique, à l’image du travail « La cinquième saison » de Thomas Pendeliau ; une vision plutôt pessimiste. A contrario,« Exîle » d’Adrien Pontet et Tao Douay, qui utilisent leurs recherches des jus de plantes et des formules naturelles dans la photo argentique, interroge la fiction, mais aussi le statut de la photo, sa durabilité, jadis un enjeu, car envisagée tel un objet patrimonial.

Le duo présente des images qui, peut-être, disparaîtront dans 3 ou 6 mois. À la place, ils parlent d’instant présent. Cela bouscule les conventions historiques de la photographie.

Cette édition anniversaire refuse le bilan ou l’exercice rétrospectif au bénéfice de la prospective, pourquoi ?

Pas de nostalgie à l’œuvre. Il n’est pas question de bilan ou de rétrospective pour l’anniversaire, mais bien de projection ; ce qui est beaucoup plus important. Notre artothèque fait vivre notre patrimoine.

8 expositions déployées dans 4 lieux, 2 week-ends de fête, des restitutions de résidence, des tables rondes, des échanges avec les artistes. Est-ce la bonne formule pour 2 mois de manifestation ?

Elle est liée à l’idée du partage avec le plus grand nombre dans des temps conviviaux ou plus formels pour interroger le médium et son avenir.

Surtout, elle demeure en tout point fidèle à l’ADN des RJPI : mettre en relation les artistes entre eux, mettre en relation les artistes et le public, pour se croiser dans un cadre à dimension humaine. On ponctue le rendez-vous d’événements pour créer des liens. Tout est mis en œuvre pour s’enrichir mutuellement. Nous ne pouvions y déroger pour les 30 ans.

À titre personnel, c’est votre dernière édition en tant que directeur artistique. Quels souvenirs gardez-vous de ces années ?

Tellement… Avant tout une magnifique aventure humaine, des énergies, des rencontres, le collectif au service de l’individu, une aventure liée à plusieurs visions artistiques. Chaque année, une nouvelle aventure, celle d’un groupe constitué avec des jurys différents et des artistes vivant 20 jours dans un cadre commun. Un renouvellement permanent.

Le voyage était là, large, culturel, artistique mais aussi permanent avec l’équipe de la Villa Pérochon, y compris nos fidèles bénévoles. Cette structure-là est fondamentale. En outre, très souvent, un engouement en chasse un autre. Il y a toujours des temps forts, y compris dans le montage d’une exposition ! Je pourrais citer des rencontres formidables comme Joan Fontcuberta ou, récemment, « Frôlements de l’ombre » d’Alain Willaume, qui a réellement mis ses tripes sur les murs. Au bout du compte, il y a eu très peu de déceptions.

Des coups de cœur pour l’édition 2024 ?

Difficile car trop nombreux trop pour en élire un. J’espère simplement que le public sera au rendez-vous et pour longtemps encore.

Propos recueillis par Marc A. Bertin

Informations pratiques

Rencontres de la jeune photographie internationale,
du vendredi 5 avril au samedi 25 mai,
Niort (79).

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