L’artiste Émilie Parendeau s’est plongée dans les quelque 1 500 œuvres que compte la collection du Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA pour en puiser une quarantaine de spécimens. Secondée par une série de peintures de Claude Rutault et des propositions créées spécifiquement pour l’occasion, l’exposition “Parler avec elles” joue une partition à plusieurs voix.

Quel est le point commun entre la batterie en porcelaine d’Yves Chaudouët, un cercle rocailleux de Richard Long et des rouleaux multicolores de station de lavage assemblés de manière à évoquer d’étranges personnages aux allures pop (Stéphanie Cherpin avec Hairspray Queen 1). Vous avez trouvé ? Non ? Réponse : elles ne peuvent être conservées telles quelles dans les réserves.

“Activer les œuvres d’autres artistes “

Dès lors, ces installations s’accompagnent d’une série de documents permettant de les reconstruire au plus près de leur forme initiale. Qui dit reconstruction, dit réactivation et donc pour les personnes chargées de cette tâche (en l’occurrence les régisseurs et les responsables des collections) : un travail de documentation, de lecture, de compréhension et donc de manière inévitable, une forme, plus ou moins étroite, d’interprétation.

Ces processus, l’artiste Émilie Parendeau les inclut au cœur de sa démarche. « Mon travail consiste à activer les œuvres d’autres artistes », souligne la diplômée de l’école des beaux-arts de Lyon en 2008. « Ma pratique se situe dans le passage du texte, du dessin ou du schéma à la chose. C’est très proche de ce qu’on fait en musique, on interprète une partition pour avoir l’œuvre musicale. »

1 200 m² de surface d’exposition

De fait, Émilie Parendeau compare volontiers son approche à celle « du passeur ou de l’interprète qui se met au service des œuvres pour les comprendre et les faire exister ici et maintenant ». Cette notion de présent fait entrer en jeu un faisceau de paramètres en lien avec le contexte et l’espace d’exposition.

Celui du Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA affiche des volumes gigantesques : 1 200 m² de surface avec une très grande hauteur sous plafond et des cimaises monumentales, semblables à des tableaux monochromes. Ces derniers ont inspiré à Émilie Parendeau le travail d’un artiste avec lequel elle a collaboré durant de nombreuses années. « Parce que j’avais l’intuition qu’il pouvait initier des dialogues avec les œuvres de la collection et m’aider à travailler avec ce lieu, j’ai choisi d’inclure le travail de Claude Rutault. »

Une quarantaine d’œuvres

Disparu en 2022, cet artiste conceptuel fondait sa pratique de la peinture sur des règles appelées « définitions/méthodes », lesquelles permettaient la réalisation matérielle de ses œuvres. Cette pléiade de consignes que Rutault a rédigées au cours de sa vie consiste en variations autour d’une seule et même donnée : une toile peinte de la même couleur que le mur sur lequel elle est accrochée.

Scandant l’espace d’exposition, ces fascinantes ritournelles monochromes entrent en dialogue avec la quarantaine d’œuvres du Frac MÉCA. Parmi elles : Bouquet perpétuel de Joachim Mogarra qui doit son existence et sa pérennité à d’autres personnes que l’artiste ; la myriade de pièces de verre assemblées les unes aux autres de manière à évoquer des instruments associés à la vue (appareil photo, loupe, paire de jumelles, fusil, microscope…) de Richard Fauguet ; encore le CLOM TROK (blanc) de Joël Hubaut : une installation aux allures de dépôt-vente où les visiteurs peuvent troquer des objets (nouvelle activation de l’œuvre ce samedi 18 novembre).

La création contemporaine helvétique parachève le tout avec des propositions créées spécifiquement pour l’occasion. Elles sont signées Delphine Reist et Florence Jung. Cette dernière a orchestré une rétrospective originale de son œuvre à découvrir hors les murs dans une douzaine de boutiques de la Métropole (La Cave d’Antoine, Total Heaven, Madame Fromage, librairie du Contretemps, …) où l’amateur éclairé ne manquera pas de demander qu’on lui conte un « scénario » de Florence Jung.

Anna Maisonneuve

Informations pratiques


« Parler avec elles »
,
jusqu’au dimanche 3 mars,
Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA, Bordeaux (33).

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