Depuis près de 20 ans, les estivales de la BD de Montalivet mêle amateurs de bandes dessinées à l’étrange faune saisonnière des plagistes. Résultat, un festival populaire et décontracté, mais qui garde une programmation curieuse jamais à côté de ses tongs.

Si pendant longtemps l’été restait synonyme de disette pour le bédéphile en manque de sorties et de festival BD, celui-ci n’est plus condamné à reclasser ses albums en EO (Edition Originale) en attendant fébrilement la rentrée grâce à l’association BDM33 qui anime depuis 19 ans ce rendez-vous judicieusement placé au cœur de la torpeur estivale.

Par sa situation privilégiée, la manifestation brasse cependant bien plus large que le cercle d’amateurs de cases et phylactères pour attirer un public de passage qui, en temps normal, n’aurait peut-être pas eu l’envie, voire l’idée saugrenue, de franchir les portes d’un festival de bande dessinée.

Rentrer en contact avec la faune des plagistes de Montalivet

Manifestation populaire, les Estivales n’en gardent pas moins une programmation resserrée et assez aventureuse qui déjoue la facilité des têtes de gondole et des valeurs sûres pour miser sur la découverte en invitant de nombreux jeunes auteurs et des talents émergents à rentrer en contact avec la faune parfois farouche des plagistes.

Après Annabel et Barbara Baldi, cette édition a ainsi décidé de mettre en lumière Gaëlle Geniller, dont le deuxième album Le Jardin, Paris improvise une réinvention audacieuse du Paris des années folles grâce à des thématiques bien contemporaines. À travers l’histoire d’un danseur travesti en femme, la bédéaste parle de droit à la différence, de tolérance et d’acceptation de soi, assumant clairement une forme d’idéalisme dans son traitement.

À cette tête d’affiche, se joint une petite vingtaine d’auteurs offrant une vue en coupe de la production BD actuelle. Côté roman graphique documentaire, le dessinateur de …Je continue (sic), Thibaut Lambert fera l’objet d’une exposition pour cet album directement inspiré de l’incroyable virée du navigateur Bernard Moitessier, disparu volontairement pendant plusieurs mois en 1969 lors d’une course à la voile.

Petit peloton des auteurs locaux

Actuellement en résidence au Chalet Mauriac, la Libanaise Noémie Honein viendra aussi faire un détour pour présenter sa bande dessinée autobiographique De l’importance du poil de nez et évoquer son dernier projet en date El Boutaz, une fiction relatant la vie quotidienne d’une bande d’ados dans le Liban du milieu des années 2000 alors que couve le feu de la guerre civile.

Aux côtés du petit peloton d’auteurs locaux, Marion Duclos, Marc Moreno, Sandrine Revel, on se réjouit d’avance de la venue de Miroslav Sekulić-Struja. Porte-étendard de la BD croate, ce maître de la gouache est sans doute l’un des plus grands talents de la scène BD contemporaine, révélé par Pelote dans la fumée et surtout Petar et Liza, une formidable chronique luxuriante et tragique sur un vagabond céleste errant dans sa vie comme dans les ruelles labyrinthiques d’une petite ville des Balkans.

Signalons enfin côté animations des Concilia’Bulles, temps de discussion rapide avec les auteurs, et la présentation d’un cabinet de curiosités autour de la BD concocté par Malabulle avant une traditionnelle Battle BD, sans oublier la remise du prix de la Mouette qui récompense comme chaque année, un album jugé remarquable par sa qualité littéraire, la richesse de son imagination ou « sa capacité à susciter la réflexion et le débat ».

Aux Estivales, on va bronzer malin !

Michel Brazier

Informations pratiques

Estivales de la BD de Montalivet,
du samedi 22 au dimanche 23 juillet,
Montalivet (33).