La Flèche Saint-Michel, plus haute tour de Bordeaux, patrimoine mondial de l’UNESCO, est en rénovation au moins jusqu’à la fin 2025. Visite à l’intérieur d’un chantier hors norme chiffré à 11,6 M€ qui peut donner le tournis.

Il s’agit sans conteste de la plus haute publicité de Bordeaux. Celle que l’architecte Paul Abadie a laissée en haut de la flèche Saint-Michel, après avoir fini la restauration de l’édifice dans les années 1860. Une monumentale griffe dont les retombées ont dû être bien maigres puisque à 100 mètres au-dessus du sol, elle est invisible pour les passants. Pourtant voilà plus d’un an que de nouveaux visiteurs peuvent admirer cette vénérable inscription.

Depuis 2022, les échafaudages sont de retour autour de l’édifice, souffrant de pathologies qui le rendent vulnérable. Colosse à la colonne d’argile, le bâtiment est soumis aux éléments. « Après la tempête de 1999, il y a eu une inspection en profondeur révélant de nombreuses fissures qui ne font que s’agrandir depuis », détaille Patrick Della-Libera, chargé de mission patrimoine historique à la Ville de Bordeaux. Facteur aggravant, les dernières restaurations (de mauvaise facture), effectuées dans les années 1980, commencent à céder. Un phénomène accélérant la détérioration globale due principalement aux chocs thermiques subis par la construction.

Un mikado de 4 000 tubes de métal

Décision a donc été prise de rénover en deux étapes la partie haute de la bâtisse, la flèche, qui commence au 47e mètre de hauteur pour culminer à plus de 113 mètres. Enfin, plutôt 103 mètres en ce moment puisque la croix sommitale de 10 mètres a été enlevée pour partir en restauration.

Ayant la maîtrise d’ouvrage, la Ville prend en charge 4,86 des 11,6 M€ nécessaires pour mener à bien cette tâche. La Direction régionale des affaires culturelles finance aussi le projet (3,68 M€) tout comme la Région Nouvelle-Aquitaine (1 M€). 2,06 M€ ont aussi été reçus au titre de la Dotation de soutien à l’investissement.

Un budget faramineux dont les deux tiers servent au financement… de l’échafaudage ! Il était en effet trop risqué d’accrocher la structure temporaire au plus haut bâtiment de la ville — et troisième plus haut clocher de France —, trop fragile pour la supporter. De fait, cet immense mikado, constitué de plus de 4 000 tubes de métal, est autoporté, reposant sur un tabouret métallique XXL dont les six pieds sont ancrés au sol grâce à une forêt de micropieux. Il a fallu environ un an rien que pour mettre en place cet immense corset métallique de plus 700 tonnes !

La flèche, un temps plus haut bâtiment du monde

Un bardage résistant aux intempéries et même à la foudre qui l’a frappée le 3 juin 2023. Une précision importante au moment de sortir de l’ascenseur qui s’est élevé doucement vers le sommet. Lors de cette visite, le seul problème est l’air qui se fait rare quand les portes s’ouvrent. Rien d’atmosphérique à souligner ici, la faute revient plutôt à un souffle coupé par la vue sur la perle d’Aquitaine qui s’offre aux chanceux.

En contrebas, la basilique Saint-Michel au style gothique flamboyant, si imposante sur le plancher des vaches, ressemble à une maquette en taille réduite. Une miniaturisation touchant tous les monuments de la ville, du pont de Pierre à la Grosse Cloche.

Une vue panoramique existante depuis le XVe siècle. Un temps plus haut bâtiment du monde, excepté les pyramides, la flèche a ensuite subi les affres des siècles. Bâti sur un ancien charnier, le monument a été menacé de destruction à plusieurs reprises, en partie couchée par des intempéries extrêmes mais, au prix de nombreuses restaurations, il a toujours réussi à se relever.

« C’est une fierté de travailler ici »

Au sommet de ce patrimoine mondial de l’UNESCO, le bruit de la ville disparaît, il n’y a plus que celui du cœur qui bat plus fort que d’habitude et les coups de marteau des ouvriers des Compagnons de Saint Jacques, s’appliquant à remettre en état ce bijou architectural.  

« C’est une fierté de travailler ici, dans un décor de carte postale », confie Antoine Gavillon, maçon et chef d’équipe devant un trou béant dans la flèche. Là, un bloc vient d’être retiré, il est actuellement en bas en train d’être restauré. Dans la mesure du possible, les pierres d’origine sont conservées. Certaines, en trop mauvais état, doivent être remplacées. « Sur cette partie, nous avons 250 à 300 blocs de pierre allant jusqu’à 350 kilos à changer, les nouvelles pierres viennent de la carrière de Frontenac », révèle Antoine.

Cette étape réalisée, viendra ensuite la pose des jointures. Moment crucial puisque le mortier (de chaux ou de résine) est conçu pour pouvoir laisser « respirer » le monument et ne pas céder aux agressions météorologiques. Enfin, les nouveaux blocs de pierre seront polis et vieillis pour donner un aspect uniforme à l’ensemble. Un travail d’orfèvre qui va occuper l’équipe jusqu’en juin 2024.

Fin des travaux prévue entre fin 2025 et début 2026

L’échafaudage sera alors démonté et descendu pour pouvoir s’occuper de la partie située entre 47 et 63 mètres de hauteur. Une fois en place, les Compagnons de Saint Jacques reviendront au chevet de cette partie du clocher. Fin des travaux prévue entre fin 2025 et début 2026.

Quittant l’ascenseur, revenu sur la terre ferme, les jambes sont encore un peu cotonneuses à l’idée d’avoir été tout en haut de ce perchoir en souffrance. Une question vient à l’esprit : la restauration sera-t-elle ensuite poursuivie pour la base entre 0 et 47 mètres ? « La suite au prochain épisode », répond dans un sourire Baptiste Maurin, adjoint au maire de Bordeaux, chargé, entre autres, du patrimoine et matrimoine.

Dans tous les cas, ce n’est pas la dernière fois que l’édifice reçoit des soins, qu’importe leur qualité. Ce patrimoine vivant continuera de se dresser dans le ciel et donc de se dégrader. Le retour des échafaudages est prévu dans 70 ou 100 ans maximum.

Texte et photos : Guillaume Fournier

Informations pratiques

Aperçu de chantier : la Flèche Saint-Michel,
mardi 14 mai à 18h, mercredi 29 mai à 14h30, jeudi 6 juin à 18h
Portail de la basilique Saint-Michel, Bordeaux (33)
Sur réservation : muséedaquitaine.evenbrite.com

Cherchez la Flèche ! Exposition photographique,
Depuis le 1er avril,
Palissades du chantier de la Flèche Saint-Michel, Bordeaux (33)

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