[ASTRE- Réseau arts plastiques et visuels en Nouvelle-Aquitaine] Ils constituent plus de 1 % de la population active de notre pays. Pourtant la condition artistes-auteurs est très précaire en France, notamment depuis la crise de la COVID-19. Une proposition de loi a été déposée en mars 2024 pour instaurer un revenu de remplacement pour celles et ceux qui sont temporairement privés de ressources.

On estime aujourd’hui leur nombre à environ  334 0001 sur les 30 millions d’actifs que compte la France. Des artistes-auteurs qui occupent une place majeure dans la vie artistique, culturelle et intellectuelle nationale. Ils œuvrent dans un secteur qui génère 2,3 % du produit intérieur brut.

« Les industries culturelles et créatives sont les forces vives de notre culture. Architecture, livre, cinéma, musique, audiovisuel, presse, radio, jeu vidéo, arts visuels ou encore spectacle vivant : les secteurs qu’elles représentent pèsent 640 000 emplois et 91 milliards d’euros de chiffre d’affaires », déclarait en 2019 Franck Riester, alors ministre de la Culture, lors du lancement des États Généraux des industries culturelles et créatives (ICC) à Saint-Ouen. Depuis, ces données ont pu évoluer en raison de la crise de la COVID-19. Néanmoins, ce qui n’a pas bougé d’un iota et que la crise sanitaire a aggravé davantage, c’est la précarité de la condition de ces artistes-auteurs.

75% des auteurs de BD au RSA à Angoulême en 2019

Ils sont plasticiens, photographes, performeurs, graveurs, graphistes, peintres, illustrateurs, céramistes, dessinateurs, scénaristes, compositeurs, écrivains, auteurs (d’écrits, d’œuvres audiovisuelles, multimédia, dramatiques…). Malgré les spécificités de leurs pratiques et les différentes façons dont ils exercent leur métier, ils partagent tous une même activité : la création d’œuvres originales.

La question de leur rémunération n’est pas nouvelle et leur situation sociale est largement documentée. En 2017, 53 % des artistes graphiques et plastiques ont perçu moins de 8 703 € de revenus artistiques2. En 2019, un article paru dans La Charente libre a révélé que 75 % des auteurs de BD installés à Angoulême étaient au RSA. Il faut dire que le statut des artistes-auteurs n’a presque pas évolué depuis la fin du XVIIIe siècle, marquée par l’adoption en France de la première loi sur le droit d’auteur le 19 juillet 1793, durant la Révolution française, reconnaissant le droit moral des auteurs sur leurs œuvres et établissant des règles pour leur reproduction et leur publication.

« Le droit d’auteur est une avancée majeure de ces deux derniers siècles, et c’est un droit de l’homme, comme on le dit parfois, mais cela ne nous dispense pas de traiter la question des droits sociaux dont ne bénéficient pas ou trop mal les travailleurs premiers des arts et de la culture, que sont les artistes-auteurs », indiquait Jean-Jacques Barey, mercredi 6 décembre 2023 à la Bourse du travail de Paris lors d’un débat.

Des rémunérations mensuelles fluctuantes

Ces artistes-auteurs, sans lesquels aucune œuvre visuelle, plastique, graphique ou sonore, aucun livre, aucun film, aucun spectacle ne verrait le jour, ont des emplois discontinus. Ils tirent leurs revenus de rémunérations mensuelles fluctuantes et souvent modestes, avec une couverture sociale minimale. Ils ne sont pas couverts en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, et n’ont pas accès à l’assurance chômage.

« Quand on regarde le Code de la Propriété Intellectuelle (CPI), on constate qu’il y a deux familles d’artistes : les interprètes et les créateurs. Il y a les gens qui sont à l’origine des œuvres et ceux qui jouent les œuvres. Très clairement, les gens qui jouent les œuvres se sont bien mieux débrouillés que nous au cours du XXe siècle. D’ailleurs, on les appelle aujourd’hui les intermittents, en référence à leur régime d’assurance chômage. C’est dire l’importance de ce type de droits », expliquait lors de cette même assemblée générale Aurélien Catin, membre de La Buse et auteur d’un essai intitulé Notre condition.

L’objet de cette AG ? Présenter la brochure intitulée Pour une continuité de revenus des artistes-auteurs et la proposition de projet de loi (PPL) du même nom qui en découle. Mené par Pierre Dharréville (député du groupe de Gauche démocrate et républicaine), Jean-Jacques Barey (commission culture du Parti communiste français), syndicats et associations (SNAP cgt, STAA CNT-SO, La Buse, la SRF, l’AFD), ce travail, lancé depuis la crise sanitaire, vise à intégrer les artistes-auteurs dans la caisse commune de l’assurance chômage.

Une proposition de loi sur la table

En pratique, la proposition de projet de loi stipule qu’un revenu annuel équivalent à 300 heures SMIC, soit actuellement 3 456 € brut, serait requis pour l’admission à l’assurance chômage. « Cela peut évoluer, être discuté, mais l’idée est qu’une fois ce seuil atteint, vous accédez à l’indemnisation. Tous les revenus cumulés, qu’il s’agisse des droits d’auteur, des honoraires ou des aides à la création, sont pris en compte », détaille Aurélien Catin.

Le montant de cette allocation chômage, versée pendant les périodes non travaillées, serait calculé en fonction du revenu de référence déclaré. « Cependant, nous sommes tout de même exigeants. Il faut un plancher d’indemnisation. Personne ne devrait recevoir moins de 85 % du SMIC, soit à l’heure actuelle 1 150 € net. Ainsi, quelle que soit votre situation, l’assurance chômage garantira au moins 1 150 € net pour une durée d’un an. » Pour financer cela, une augmentation des cotisations payées par les diffuseurs (producteurs, éditeurs, galeristes, institutions, collectivités, etc.) serait mise en place, passant du taux actuel fixé à 1,1 % de la rémunération brute à 5,15 % – les artistes-auteurs s’acquittant déjà d’une part salariale de la contribution chômage via la CSG.

« À titre de comparaison, les cotisations patronales des entreprises du spectacle sont de 46 % du salaire brut », peut-on lire dans le fascicule détaillant la proposition5. Déposée le 12 mars 2024 sur le bureau de l’Assemblée nationale, cette proposition de loi, qui n’a pas encore été examinée et débattue, continue, en attendant, de semer ses graines à travers plusieurs événements. Le 25 mars dernier, un rassemblement devant le Parlement européen à Bruxelles défendait ces revendications à l’échelle européenne.

Anna Maisonneuve

Cet article a été réalisé dans le cadre du nouveau supplément Astre – Réseau arts plastiques et visuels en Nouvelle-Aquitaine. Pour continuer à explorer cette thématique, retrouver le reste du supplément avec votre Junkpage du numéro de juin ou en ligne par ICI

1. Le ministère de la Culture comptabilise 398 000 artistes-auteurs, quand l’URSSAF Limousin, organisme chargé de collecter les cotisations du secteur depuis 2019, en dénombre environ 270 000.

2. Selon le rapport d’activité de 2018 de la Maison des Artistes.

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