Conçue par l’ensemble des membres de l’équipe du Frac Poitou-Charentes, à Angoulême, cette proposition polysémique « Faire Barrage » relève d’une multiplicité de regards, d’approches et de sensibilités sur sa collection et ses récentes acquisitions pour mieux questionner l’anthropocène.
« Faire barrage et régénérer », lance Suzanne Husky dans sa somptueuse série d’aquarelles Les Leçons du peuple des marécages (2022). La plasticienne, qui se partage entre Bazas, en Gironde, et San Francisco, Californie, a toujours lié sa pratique aux problématiques environnementales afin de pointer la déconnexion entre l’être humain et la nature.
Aussi n’est-il pas surprenant de la voir telle une figure de proue de cette exposition, où elle convoque la figure du castor, artisan du paysage qui a presque disparu en Europe alors que son savoir-faire d’extraordinaire bâtisseur influence désormais les techniques des ingénieurs en Amérique du Nord.
Une métaphore de la fragilité
Puisqu’il est question du bois, dont on se chauffe ou pas, Ailing Katamari (2022) de Martin Kersels poursuit le dialogue avec cette pièce, conçue à Treignac Projet, en Corrèze, lors d’une résidence. Cet impressionnant agglomérat de chaises, collectées dans les décharges et recycleries du 19, fusionne à la fois son obsession (légitime) pour les tremblements de terre — Kersels est né à Los Angeles, Californie —, et Katamari, jeu vidéo japonais des années 1990. Précarité, destruction, reconstruction, une métaphore de la fragilité.
Fragilité toujours avec Floppy Forest (2021) de Bea McMahon. L’Irlandaise, établie à Amsterdam, de formation scientifique, infuse sa pratique avec son passé de mathématicienne. Ainsi, ces huit structures gonflables changent d’apparence au gré du souffle de ventilateurs. En outre, dans ce paysage mouvant et hypnotique, chaque « arbre » est baptisé d’après l’ogham, alphabet irlandais primitif, dont chaque lettre correspond à une essence d’arbre.
Ligne d’horizon chimérique
Le diptyque La Rivière noire (1990) de François Méchain offre, lui, un étonnant point de vue sur une ligne d’horizon chimérique, totalement artificielle, construite dans le parc des Laurentides, au Québec, avec les déchets de coupes-à-blanc, trouvés sur place. Rompu au travail in situ, après observation et dessin préparatoire, le photographe charentais, disparu en 2019, a modestement participé à la prise de conscience des Canadiens face à la disparition de la forêt boréale.
Plus loin, Gaëlle Leenhardt pose un regard sur Vinca, petite ville serbe proche de Belgrade, haut lieu de la préhistoire, où l’on a découvert force vestiges du néolithique, et qui abrite désormais l’une des plus grandes décharges publiques à ciel ouvert d’Europe… les reliques du futur ?
Marc A. Bertin
Informations pratiques
« Faire barrage »,
jusqu’au samedi 9 mars 2024,
Frac Poitou-Charentes, Angoulême (16).