ENTRETIEN – Olivier Marchal n’est pas le premier flic de France puisqu’il n’est pas ministre de l’Intérieur, mais peut prétendre à ce titre sur grand écran. Connu pour ces films et téléfilms policiers, l’acteur-réalisateur- scénariste est aussi homme de théâtre. C’est dans cet uniforme qu’il présente la première édition du festival Les scènes d’Olivier Marchal, du 10 au 20 novembre, à La-Teste-de-Buch.

Propos recueillis par Guillaume Fournier

Quelle est la genèse de ce festival ? Pourquoi avoir choisi La-Teste- de-Buch ?

Je suis un natif de cette ville. Mes parents y tenaient une pâtisserie, j’y ai grandi ; je suis vraiment un môme du bassin d’Arcachon. D’ailleurs, j’y retourne tous les étés avec mes enfants. C’est ma région de cœur. Depuis longtemps, je caressais l’idée d’y créer un festival pour partager les joies du théâtre. On en a parlé un soir avec Patrick Davet [le maire de La-Teste-de-Buch, NDLR], qui est un ami d’enfance puisque nous étions en classe ensemble en 6e. Il m’a dit : « Banco ! On y va. »

Le grand public vous connaît principalement dans la peau d’un acteur et d’un metteur en scène, or vous êtes aussi homme de théâtre. Comment en êtes-vous arrivé à fouler les planches ?

J’ai démarré par le théâtre. J’ai commencé à jouer quelques rôles grâce à mon premier professeur de théâtre au conservatoire du Xe arrondissement de Paris en compagnie de professionnels. En tout, j’ai dû jouer une vingtaine de pièces. J’essaye de retourner sur les planches tous les trois ou quatre ans. Ça me fait revenir à la genèse de ce métier. Le frisson du lever de rideau. Jouer devant des spectateurs juste là, en face, et, surtout, partager des beaux textes car les plus beaux textes, les plus beaux personnages restent encore au théâtre.

Olivier-Marchal-Festival-les-scènes-Olivier-Marchal-La-Teste-de-Buch
Olivier Marchal- Crédit : Amazon prime

Quel est votre souvenir de théâtre le plus indélébile ?

Je garde un grand souvenir de la générale de la pièce Pluie d’enfer avec Bruno Wolkowitch, écrite par Keith Huff, que j’ai jouée au théâtre La Pépinière, à Paris, en 2011. On jouait deux flics de Chicago. Une pièce, inspirée d’une histoire vraie, très intense, très noire, où l’on était deux heures en scène avec des monologues de dix pages. Ce soir-là, la pièce était tellement dure, anxiogène, que j’ai eu un trou. J’ai dû arrêter de jouer. On a repris, mais je n’étais plus dans un état normal. Il y a la déception, et puis quelque chose est cassé avec le public. Bon, après cela ne m’est plus jamais arrivé ; je croise d’ailleurs les doigts pour que cela ne m’arrive plus du tout !

Theatre La Pépinière Olivier Marchal
Théâtre La Pépinière à Paris – Crédit : D.R.

Pendant quelques années, vous jonglez entre votre travail d’inspecteur et votre carrière d’acteur naissante… Comment se passe cette période de transition ?

Quand je faisais les deux, ça grinçait un peu des dents chez certains. Je n’étais pas populaire comme je peux l’être maintenant, même si je ne suis pas non plus Johnny Hallyday ou Gérard Depardieu. En revanche, à un moment, il y a un côté schizophrénique qui se développe. J’étais flic la nuit et ne me sentais plus vraiment flic. À côté de ça, je commençais à jouer au théâtre, à tourner, à répéter, et ne me sentais pas vraiment non plus de ce métier. Or, il faut choisir. J’ai démissionné sur un coup de tête car j’avais aussi quelques soucis avec l’inspection générale des services. Je me suis donc retrouvé obligé d’enfoncer les portes.

« Les plus beaux textes, les plus beaux personnages restent encore au théâtre. »

J’ai travaillé comme portier au Hard Rock Café, enquillé des petits boulots comme ça. J’écrivais beaucoup et j’ai eu la chance d’avoir un scénario sélectionné par Yves Rénier pour sa série Commissaire Moulin. Il m’a fait ensuite passer directeur de collection, j’ai écrit une dizaine de films pour lui, c’est ce qui m’a appris à écrire et m’a fait rentrer dans ce milieu. Je lui dois beaucoup. Après, c’est beaucoup de travail. Je dis souvent qu’on rentre par la cuisine mais que le parcours est long pour s’asseoir à table et manger dans la gamelle des autres. Je suis un énorme bosseur et reste convaincu que le travail finit par payer.

Vous avez quitté la police pour devenir une des incarnations du policier dans le cinéma français. N’est-ce pas paradoxal ?

Pour moi, il y a « moteur action coupé ». Je n’ai jamais eu de problème de dédoublement de personnalité. Je garde une affection particulière pour les flics, et prends régulièrement leur défense. Ce métier de flic m’a construit autant qu’il m’a détruit. J’ai appris à me familiariser avec la mort, la douleur, le chagrin, le sordide, et il y a eu aussi des moments de joies intenses. J’ai vécu des choses extraordinaires. Ce qui m’est arrivé après dans le cinéma n’a été que du plus. Le prolongement d’un rêve en fiction. J’ai continué à vivre un peu cette adrénaline de mon précédent métier, mais en sachant que le danger n’était plus là. Avec un stress différent car, dans le monde du cinéma, les enjeux sont différents. Il faut se remettre en question, supporter les critiques, les trahisons… C’est en ça que c’est difficile. Mais je suis arrivé au bout de mes rêves. Il peut m’arriver quoi que ce soit, je serai triste mais pas frustré.

Dans la programmation du festival, on retrouve notamment deux spectacles d’humour, deux comédies et une comédie musicale. Loin de la noirceur qui colle à la peau des personnages que vous avez incarnés à l’écran. Avez-vous besoin de cette légèreté dans votre vie ?

Les spectacles présentés sont plus le reflet que ce que je suis dans la vie. Je suis un pessimiste joyeux, un bon vivant, savourant les plaisirs de la table, les bonnes bouteilles, rigolant avec ses potes… Cependant, dès que je me mets au repos et que je commence à penser, le noir reprend le dessus. J’ai été vacciné aux films noirs, aux romans policiers et puis il y a eu ensuite la noirceur de mon ancien métier de flic. J’ai envie de parler de drame mais en même temps quand je joue, j’ai plus envie de jouer la comédie et de la partager avec le public ; surtout la comédie de qualité comme celle programmée durant le festival. L’Avare de Molière, interprété par Michel Boujenah, même si ça reste drôle, c’est un personnage très noir, torturé, malheureux. C’est très intéressant cette version proposée par Michel Boujenah. Dans tous les cas, on propose des spectacles de qualité avec des acteurs populaires, qui ont marché aussi ailleurs, et c’est en train de prendre. Les gens veulent se distraire, s’amuser, passer un bon moment. Les spectacles ici à l’affiche ont tout à offrir à ce niveau-là.

On aurait pu s’attendre à vous retrouver sur scène mais vous n’y serez que pour la conférence de lancement ! Pourquoi ce choix ?

Un choix obligé car avec les tournages, je n’avais pas le temps de reprendre une pièce que j’avais déjà jouée avant. L’idée m’aurait plu, j’aurais pu reprendre Pluie d’enfer ou Nénesse, mais dans les deux cas, elles ne sont pas dans la même ambiance que le reste de la programmation, ça serait venu comme un cheveu dans la soupe. Je préfère revenir peut-être pour le prochain festival comme j’ai des projets au théâtre, dont un pour la rentrée 2023, à Paris. À voir si ça se confirme et si j’aurai ainsi le bonheur d’ouvrir le bal. Ça serait super pour moi.

Les scènes d’Olivier Marchal
Du jeudi 10 au dimanche 20 novembre, La-Teste-de-Buch (33)
www.latestedebuch.fr

👉 Les scènes en Nouvelle-Aquitaine

2 commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *